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Attiser la douceur

  • Photo du rédacteur: Marie-Thérèse Peyrin
    Marie-Thérèse Peyrin
  • 21 févr.
  • 2 min de lecture

Au milieu de tous mes livres je m'embusque pour échapper aux sales nouvelles du Monde. C'est un geste vain puisque tout revient dans mes lectures sous une forme atténuée mais tout aussi cruelle et réelle. Entamé le livre d'une femme d'origine Vietnamienne, qu'elle consacre à sa grand-mère. La photo des deux femmes sur le bandeau de couverture ne laisse rien augurer de la somme de drames supportés et hérités. L'écriture permet de ramener le malheur à sa dimension historique et singulière. Un parmi d'autres ... La notion de chance joue beaucoup dans la parole des survivants. Ces deux femmes partagent une histoire familiale déchirée par le colonialisme et la guerre d'indépendance qui lui succède. Les femmes endurent tout ce qu'elles peuvent supporter pour que la vie triomphe. C'est l'éternel sacrifice des porteuses d'enfants, sommée de les sauver du désastre sans y parvenir totalement. Ce livre m'a attirée instantanément à cause des deux visages éclairés par leur dignité et leur douceur. Cette photo aux bords blanc jauni dentelés comme les timbres postaux, posée presque négligemment et de travers sous mon regard, elle me renvoie au manque de mes (vraies) grands-mères paternelle et maternelle. Pour moi et les miens d'autres histoires, d'autres malheurs intimes trop peu estompés par l'oubli. Des voix réelles inaccessibles par manque d'archives. J'imagine que la littérature peut faire office d'Autel des Défunt.e.s pour celles et ceux qui veulent rester en contact avec des vies passées. Mais il faudrait brûler l'encens de chaque livre pour espérer percevoir les messages des esprits en errance qui ne cernent que nous. Dans celui-ci qui s'intitule : Ma grand-mère et le pays de la poésie, Minh Tran Huy raconte son dialogue et les effets de celui ci, avec , sa grand-mère paternelle qui l'a élevée en France, tandis que ses parents travaillaient. Il aura fallu beaucoup de temps avant qu'elle puisse accéder aux événements vécus avant sa naissance, par cette femme et ses propres parents. Ayant eu la patience et la force de reconstituer un récit, elle l'exprime très délicatement :" Peut-être se met-on parfois à lire, et à écrire, parce qu'il existe un fossé entre la vie qu'on mène et la vie de ceux qui vous ont précédée [...] C'est comme si nous tenions de part et d'autre du fleuve du temps de notre mémoire endiguée, séparées par à peu près tout et pourtant liées par le sang, l'amour, cette histoire que j'ai désespéré, un temps de mettre au jour.". Et l'histoire continue avec un nouveau lot d'épreuves et de défis. Le livre ne résout rien, il accompagne toute vie comme ces fumées éphémères de bâtonnets d'encens dont raffolent les vieilles personnes dans leurs maisons ou leurs temples zen, ou ces cierges à ex-voto dans les églises glaciales.

Quelle que soit la méthode pour retenir la vie dans ses pires fuites en avant, reste un goût d'inachevé que l'écriture combat silencieusement. Attiser la douceur pour atténuer la douleur. Braises à entretenir, tâche immémoriale...

 
 
 

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